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Portrait d’un éleveur Paysan Associé des filières Biocoop

9 Fév 2024

Février, la crise agricole et la mise en avant de nos filières Biocoop, Paysan.es Associé.es me donnent envie d’aller sur le terrain. C’est ainsi que je choisis d’aller à la rencontre d’Antoine Forest, éleveur de porcs et président du groupement Bio Direct associé avec son épouse Dorothée.

Antoine s’est installé à Précigné depuis 2011 sur une ferme de 170 hectares. Après un BTS en commerce, il s’engage dans une formation agricole. Bien que non issu du milieu, il a une grande affinité pour la nature et le vivant.

"Je vivais à la campagne, chez mes parents il y avait quelques moutons et chevaux ! C’est mes stages chez un éleveur du groupement Bio direct qui m’ont conduit au choix de l’élevage de cochons. J’ai trouvé cette ferme de 70 ha avec 20 vaches, j’ai remonté le troupeau. Pour moi c’est évident, pas de ferme sans vaches ! Puis le groupement Bio direct m’a aidé à concevoir mon outil de travail. Pour moi, c’était forcément en bio, ça toujours été clair dans ma tête !"

Construction de bâtiments, surface de terres doublée pour gagner en autonomie alimentaire : le groupement Bio direct est adossé au cahier des charges Bio cohérence qui exige 50% de production de l’alimentation sur la ferme. A la différence du simple label bio : on peut installer une porcherie en bio sur 1ha avec 0% de production ! "Une incohérence totale, moi je fais mes semis, mes cultures, mes moissons pour produire les céréales qui vont nourrir mes cochons, c’est ça le métier de paysan bio que j’aime ! Avec ses contraintes bien sûr. Ainsi cette année, avec la météo pluvieuse, impossible de semer, il faudra attendre le printemps et accepter des rendements moindres !"

Antoine a un cheptel de 45 truies de génétique de base : un croisement de Landrace pour ses qualités maternelles et Large White pour la production de lait. Il a aussi un verrat de race Piétrain, tacheté de noir qui apporte le côté muscle et de la couleur ! Si l’élevage de porcs est sa principale activité, sa ferme comprend aussi 60 vaches allaitantes de race limousine et 60 veaux par an dont les mâles sont castrés pour faire des bœufs et 3 taureaux, soit plus de 220 bovins toute l’année ! Côté terres, ce sont 40 à 50 ha de culture de céréales, des pâtures pour les bovins et le reste en prairies permanentes (60ha) dans une démarche de décarbonation avec un apport léger de fumier tous les 3 ans.

La visite se fait dans l’ordre, puisque l’élevage porcs se divise en quatre étapes et donc en 4 espaces distincts :

La gestation des truies, inséminées sur place, dure 3 mois, 3 semaines et 3 jours ! Tiens une découverte : lorsqu’elles sont en gestation, elles jeûnent un jour par semaine ! "Très bon pour le système hépatique d’un animal qui mange beaucoup !"

Les mises- bas se font dans le bâtiment « maternité », tel est le mot utilisé par Dorothée, responsable de ces deux étapes de l’élevage. "Les truies peuvent avoir une portée de 15 à 16 porcelets, mais en sèvrent 12. Il y a toujours un peu de mortalité. Les petits restent 6 semaines sous la mère (selon la réglementation bio). En conventionnel, c’est 3 semaines seulement !" Un travail de précision pour assurer la qualité du paillage, de l’entretien des loges, de l’alimentation des mères tout comme la castration des petits et la sélection des cochettes pour assurer le renouvellement du cheptel.

 

La gestation
La mise-bas et allaitement

Le post-sevrage : les porcelets rejoignent un troisième bâtiment où il resteront à nouveau 6 semaines.
Il n’y a pas de souci de séparation avec les petits, nous confirme Dorothée, vous savez c’est comme chez les humains, on est parfois contents de se débarrasser des gosses ! Et puis les porcelets restent en fratrie. En fait le plus délicat, pour eux comme pour nous, à gérer, c’est la transition alimentaire entre le passage du lait maternel aux céréales. Il faut une infinie précision dans le dosage des aliments. De même pour le tarissement des truies, tout est question d’alimentation bien gérée. Quand on dit que la base de la santé c’est l’alimentation, c’est la vérité aussi pour nos animaux. Pas besoin de produits magiques !

L’engraissement est la dernière étape : 4 mois et demi entre loges paillées et cours extérieures pour bien se nourrir avant de partir à l’abattoir.
"Quand un porc en conventionnel est engraissé en 140 jours, il l’est en 180 à 190 jours en bio ! Ils partent à l’abattoir à 115 à 120 kilos sur pied (soit 80 kilos carcasse), ce sont environ 50 à 70 cochons qui partent toutes les 3 semaines. Une partie sera découpée et palettisée à l’abattoir (épaule, jambon) pour être transportée chez des industriels qui transforment et l’autre partie, découpée à l’atelier SBV (Salaison Bio Valeur) où est produite toute la charcuterie à marque Biocoop."

Le post-sevrage
L'engraissement

C'est là qu’Antoine explique la genèse du partenariat avec Biocoop et des Paysan.nes  associé.es qui date de 2007-2008. "Biocoop a sollicité une quinzaine d’éleveurs du groupement, qui ne s’appelait pas Bio Direct à l’époque, leur demandant de trouver un outil de production pour faire de la charcuterie pour le réseau. Et ils ont trouvé cet outil de salaison SBV qu’ils ont pu acheter en leur nom grâce à l’aide financière du Défi Bio Biocoop. Un pari gagné !"

Le groupement Bio Direct est propriétaire de cet outil dont Antoine est président. Associé à Biocoop, ils livrent une gamme de 30 références pour les produits à marque Biocoop pour l’ensemble des 4 plateformes Biocoop de France. Associés de Biocoop, ça veut dire que Bio Direct a 1 voix dans la coopérative, en tant que groupement agricole (comme les 21 autres groupements) au même titre que les sociétaires magasin et les représentants des consommateurs. Chaque commission de Biocoop a des représentants.
" Moi, je suis dans la commission ultra-frais par exemple. Chaque secteur (Fruits et légumes, Epicerie...) a des Paysan.nes Associé.es et on se réunit 3 à 4 fois par an. 6 à 7 PPA sont aussi élus dans la Maison nationale Biocoop. On a donc voix au chapitre, pour défendre notre travail tout en répondant aux besoins du réseau avec l’adaptation nécessaire mais aussi les contraintes du marché."

L’engouement récent pour la bio a déclenché beaucoup d’installations, rapides avec de belles courbes de croissance puis tout à chuté. En 2 ans, Bio Direct est passé de 57 000 porcs à 39 000 porcs vendus. 1/3 des éleveurs a mis la clé sous la porte. En 2023, 15 à 20% de la production bio été vendue dans le conventionnel.
"Alors aujourd’hui, on doit s’adapter à la baisse de la consommation en diminuant nos élevages. Les magasins ont fermé, les éleveurs ont disparu, je pense que cette crise va nous faire revenir à l’essentiel, un marché de niche comme avant 2016. Plus mesuré, sûrement plus durable, mais dramatique pour l’environnement !"

Au paradoxe d’une baisse de consommation de viande chez les écolos, Antoine de répondre :
"Ça nous fait du tort bien sûr. Et pourtant, la bio végétale ne peut pas exister sans production animale à côté. Tous les maraîchers bio nous demandent une peu de fumier ! Il faut rééduquer le consommateur bio à tendance végétarienne, voire Végan qui selon moi sont extrémistes. Il y a bien peu de réflexion sur comment fonctionne notre éco-système ! Tout végétal ? on serait obligé de passer par des substituts chimiques, évidemment. Ça ne peut pas fonctionner ! " 

Pas question pour lui de repartir en conventionnel malgré les difficultés. Antoine est résolument engagé.
"C’est évidemment un métier intéressant d’autant que je suis sur ma ferme et président (un mi-temps) d’un réseau que j’aime et pour lequel je me bats depuis 7 ans pour essayer de le sauver, surtout depuis 2 ans !"

Nous terminons notre entretien sur l’inévitable actualité. "On rejoint le mouvement bien sûr avec un tronc commun de revendications : les taxes, l’administratif, la loi Egalim et la rémunération mais par contre, cultiver comme en Espagne, ou en prélevant toute l’eau qu’on veut, ça Non ! On ne peut pas adhérer au discours du syndicat dominant. Les bio ont plus souffert que les conventionnels avec en plus la perte d’aide au maintien. Une PAC qui verse 80% à 20% d’agriculteurs : Tout est dit !"

Gwénaëlle-2 février 2024

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