L’invocation du marché, c’est l’argument fataliste, celui de la résignation. S’il avait fallu que les acteurs de la filière bio attendent que le marché soit prêt pour s’engager, il n’y aurait pas de marché de la bio ! C’est d’abord parce que la bio porte un projet de société que ce marché s’est créé (et non l’inverse !), grâce à des acteurs qui ont pris des risques professionnels et financiers pour garder une cohérence professionnelle.
Mais nul n’est dupe, l’invocation du marché, c’est aussi l’argument cynique, la ritournelle qui accompagne les appétits féroces de l’agro-business, pour désosser la filière bio à coups de contrats d’intégration. La qualité de l’agriculture biologique est certaine ; elle doit encore évoluer, et rehausser son niveau d’ambition afin de pouvoir rendre toutes les agricultures biologiques. Rehausser son niveau d’ambition pour que les producteurs bio n’aient plus à payer pour la mise en marché de leur production, pour que la biologie soit la règle dans toutes les pratiques agricoles, et que l’usage de pesticides et d’herbicides soit interdit par la loi. Rehausser son niveau d’ambition pour que les consommateurs n’aient pas à endosser sur leurs seules épaules le manque de responsabilité politique. Rehausser le niveau d’ambition en refusant qu’un Français sur dix soit contraint à l’aide alimentaire, en exigeant une meilleure répartition des richesses. Redisons-le : la “démocratisation de la bio” vantée par la Grande Distribution en ubérisant l’ensemble du monde du travail est une escroquerie. Et on ne peut que déplorer que, depuis des années, les gouvernements successifs, en lien avec l’agro-business, aient dénigré systématiquement la certification AB en la mettant en concurrence avec d’autres labels bien moins engageants (agriculture raisonnée, HVE).
Rehausser le niveau d’ambition bio, c’est travailler avec le vivant, renforcer d’un côté la compréhension biologique des espèces animales et végétales, leurs interactions ; c’est combattre de l’autre les politiques agroalimentaires d’artificialisation du vivant par des OGM (anciens ou nouveaux). Ne pas soutenir dès maintenant la filière bio, c’est annuler des années de politiques locales qui ont accompagné les conversions en bio, c’est abandonner l’idée même de transition pourtant vitale. Après la canicule vécue cet été, face à l’urgence climatique, le développement des filières bio reste plus que jamais un impératif écologique, sanitaire et géopolitique de premier plan. En effet, cela permettrait de ne pas dépendre de l’importation, ni de faire de l’alimentation une arme pour asservir un peuple.
Or les engagements politiques nationaux sur la bio ne sont pas effectifs. A titre d’exemple, en 2009 lors du Grenelle de l’environnement, l’engagement était d’atteindre 20 % de produits bio en restauration collective en 2022, engagement rappelé dans la loi EGAlim en 2018…
Aujourd’hui, c’est à peine 6 % !
Rappelons que la bio, c’est d’abord et avant tout un projet de société qui doit être soutenu par des politiques publiques à l’échelle des territoires. Par des élus qui ne doivent pas oublier que leur fonction est d’abord de servir la population. Par des élus dont la charge est d’accompagner la structuration de rapport de force afin de ne pas laisser les agriculteurs, les militants écologistes, les consommateurs, les syndicalistes, les transformateurs et les détaillants assumer seuls leur responsabilité, à se confronter seuls à la répression du gouvernement ou encore à s’entredéchirer.
Ce projet de société se construit donc sur la base de rapports de force et de dialogue, cela doit conduire à des politiques publiques qui mobilisent les investissements massifs pour reterritorialiser les filières alimentaires à partir des régions.
Redisons la nécessité de
• l’aide aux agriculteurs biologiques et à la conversion
• l’interdiction des pesticides,
• une politique foncière, encourageant l’installation en bio plutôt que l’agrandissement
• la mise en place, à l’échelon des régions, d’une sécurité sociale de l’alimentation
• la construction d’un système de distribution alimentaire résilient et efficace, basé sur la coopération entre acteurs régionaux plutôt que sur l’intégration.
Nos adversaires sont organisés et solidaires, à nous de l’être, luttes et initiatives doivent travailler de concert. »
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